Page:Vidalenc - William Morris.djvu/153

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ment populaire. Adversaire résolu de la théorie de l’art pour l’art, il lui semblait qu’une œuvre ne déchoit pas d’être utile, comprise et aimée de tous, et comme épigraphe à toute son œuvre on pourrait donner cette phrase qui semble contenir l’essentiel de ses idées : « Je ne demande pas l’art pour quelques-uns, pas plus que je ne demande l’éducation ou la liberté pour quelques-uns. » Il rêvait de démocratiser les productions de ses ateliers, il aurait voulu que ses chintzes ou ses papiers peints pussent pénétrer dans les plus humbles demeures ouvrières et paysannes. Si ce rêve ne se réalisa pas, il réussit du moins à montrer qu’un travail vraiment artistique, accompli dans des conditions raisonnables, par des ouvriers qui y prenaient plaisir, était parfaitement compatible avec la prospérité commerciale et pouvait, par conséquent, dès maintenant, devenir la règle dans l’industrie entière.

Il y aurait ensuite à rendre cet art vraiment populaire. Art populaire ! Art social ! Ce n’était point pour Morris une variété d’art inférieur, une contrefaçon du grand art à l’usage des classes pauvres, mais un art particulier que tous peuvent comprendre parce qu’il traduit la vie et les sentiments de tous, tel que l’analysera plus tard M. Roger Marx : « L’art social s’exerce en fonction de la vie, il s’y mêle, il l’imprègne, il la pénètre ; à la beauté apparente, pittoresque ou plastique s’ajoute chez lui une beauté intime que l’on appellerait volontiers : la beauté de finalité… L’antiquité et le moyen âge n’avaient pas mis en question la communauté du sentiment esthétique,