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et à élever l’art à un niveau que l’on n’avait pas atteint depuis longtemps en Angleterre.

Les préraphaélites désormais acceptés, Ruskin se remit à ses études sur l’architecture médiévale, ce qui devait amener une orientation nouvelle de sa pensée. Il avait été frappé de l’infériorité de l’art de son temps comparé à celui du xiiie siècle et avait cru en découvrir la raison dans l’organisation sociale. Le moyen âge a su créer de la beauté parce que les artistes et les artisans avaient joie à accomplir leur œuvre, qu’ils l’aimaient parce qu’ils y travaillaient librement, tandis que pour les ouvriers du xixe siècle, le travail divisé à l’infini dans les usines a perdu tout intérêt. L’artisan a cessé d’être une créature pensante pour devenir une machine. Nulle part n’est laissée à son initiative, à son invention, il est rivé à une besogne qu’il accomplit chaque jour mécaniquement ; il ne fabrique même plus un clou ou une épingle, mais seulement une tête de clou ou une pointe d’épingle. Il existe aujourd’hui, disait Ruskin, une servitude pire que toutes celles que l’humanité a jamais connues. L’antiquité et le moyen âge n’asservissaient que les corps, nous avons trouvé le moyen d’asservir les esprits, bien mieux, de les détruire complètement. Les besognes modernes ne sont que des tâches pénibles et non plus des labeurs joyeusement consentis. Aussi l’art a-t-il disparu, car il n’est que l’expression de la joie qu’un ouvrier éprouve dans son travail.

Et il opposait à la rude et utilitaire civilisation du xixe siècle, un idyllique moyen âge : les flèches et les