Page:Vidalenc - William Morris.djvu/18

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tours des cathédrales montaient vers le ciel pour y porter les prières et l’espérance de tout un peuple qui avait travaillé à leur édification. L’artisan était libre alors, libre de sa pensée et de son talent, tandis qu’aujourd’hui il subit la double servitude de l’esprit et du corps qu’apportent les machines et les salaires insuffisants.

Les affirmations de Ruskin appelleraient bien des réserves d’ordre historique, mais l’exactitude lui importait assez peu et il faut reconnaître qu’il a su découvrir et signaler avec force quelques-unes des tares de la civilisation industrielle. Pour sauver l’art, le seul remède à ses yeux était de transformer la société, de modifier l’organisation du travail, et il se mit à préconiser des réformes.

Par hérédité et par éducation il était conservateur et anglican, et bien que les croyances de sa jeunesse aient considérablement évolué avec l’âge, sa pensée demeurait imprégnée de puritanisme. La Bible dont il avait été nourri avait donné à son style cette allure volontiers solennelle et prophétique, apocalyptique aussi parfois, qui fit tant d’impression sur ses contemporains. En politique ses convictions offraient un curieux mélange de conservatisme obstiné et de révolutionnarisme ardent. Déplorant les laideurs et les misères de la grande industrie, il aurait voulu retourner vers le passé, faire revivre l’organisation sociale de ce xiiie siècle qu’il aimait. Il proscrivait les usines, les machines destructives de beauté, il abhorrait les chemins de fer qui gâtent les paysages. C’était là une des puérilités de son esprit,