Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/246

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Cependant une table se dressait à l’entrée de l’étable : le capitaine, le lieutenant, les brigadiers argousins s’y placèrent pour prendre un repas un peu meilleur que le nôtre ; car ces hommes, qui profitaient de toutes les occasions pour extorquer l’argent des condamnés, faisaient bombance et ne se refusaient rien. L’étable offrait au surplus, dans ce moment, un des spectacles les plus hideux qu’on puisse imaginer : d’une part, cent vingt hommes parqués comme de vils animaux, roulant des yeux égarés, d’où la douleur bannissait le sommeil ; de l’autre, huit individus à figures sinistres, mangeant avidement, sans perdre un instant de vue leurs carabines ou leurs bâtons. Quelques minces chandelles, attachées aux murs noircis de l’étable, faisaient une lueur rougeâtre sur cette scène de désolation, dont le silence n’était troublé que par de sourds gémissements, ou par le retentissement des fers. Non contents de frapper à tort et à travers, les argousins passaient encore sur les condamnés leurs horribles gaîtés : un homme dévoré par la soif demandait-il de l’eau ? ils disaient tout haut : Que celui qui veut de l’eau lève la main. Le malheureux obéissait sans défiance, et il était aussitôt roué de coups. Ceux