Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/337

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voisinage. Mes succès dans l’enseignement firent même quelque bruit dans le canton, attendu que j’avais pris un excellent moyen pour avancer rapidement les progrès de mes élèves : je commençais par tracer au crayon des lettres qu’ils recouvraient avec la plume ; la gomme élastique faisait le reste. Les parents étaient enchantés ; seulement il était un peu difficile à mes élèves d’opérer sans leur maître, ce dont les paysans artésiens, quoique aussi fins que qui que ce soit, en fait de transactions, avaient la bonté de ne pas s’apercevoir.

Ce genre de vie me convenait assez : affublé d’une espèce de costume de frère ignorantin, toléré par les autorités, je ne devais pas craindre d’être l’objet d’aucun soupçon ; d’un autre côté, la vie animale, pour laquelle j’ai toujours eu quelque considération, était fort bonne, les parents nous envoyant à chaque instant de la bière, de la volaille ou des fruits. Je comptais enfin dans ma clientèle quelques jolies paysannes, fort dociles à mes leçons. Tout alla bien pendant quelque temps, mais on finit par se méfier de moi ; on m’épia, on eut la certitude que je donnais une grande extension à mes fonctions, et l’on s’en plaignit au père Lambert. À son tour,