Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/38

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pondu, l’hôte me conduisit effectivement dans une pièce voisine, espèce de grange, où une douzaine de confrères fumaient, buvaient et jouaient aux cartes. Il annonça qu’on allait me servir. Bientôt après, une grosse fille m’apporta une gamelle de bois sur laquelle je me jetai avec avidité. Une côte de brebis y nageait dans de l’eau de vaisselle, avec des navets filandreux : j’eus fait disparaître le tout en un clin d’œil. Ce repas terminé, je m’étendis avec les autres pitres sur quelques bottes de paille que nous partagions avec un chameau, deux ours démuselés et une meute de chiens savants. Le voisinage de tels camarades de lit n’était rien moins que rassurant ; cependant, il fallut s’en accommoder ; tout ce qu’il en advint, c’est que je ne dormis pas : les autres ronflèrent comme des bienheureux.

J’étais défrayé par le père Godard ; quelque mauvais que fussent les gîtes et l’ordinaire, comme chaque pas me rapprochait d’Arras, il m’importait de ne pas me séparer de lui. Enfin, nous arrivâmes à Lille ; nous y fîmes notre entrée un jour de marché. Le père Godard, pour ne pas perdre de temps, alla droit à la grande place, et m’ordonna de disposer sa table, sa