Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/39

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cassette, ses fioles, ses paquets, puis il me proposa de faire la parade. J’avais bien déjeuné, la proposition me révolta : passe pour avoir porté le bagage comme un dromadaire depuis Ostende jusqu’à Lille, mais faire la parade ! à dix lieues d’Arras ! j’envoyai promener le père Godard, et pris aussitôt mon essor vers ma ville natale, dont je ne tardai pas à revoir le clocher. Parvenu aux pieds des remparts, avant la fermeture des portes, je tressaillis à l’idée de la réception qu’on allait me faire ; un instant je fus tenté de battre en retraite, mais je n’en pouvais plus de fatigue et de faim ; le repos et la réfection m’étaient indispensables : je ne balance plus, je cours au domicile paternel. Ma mère était seule dans la boutique ; j’entre, je tombe à ses genoux, et en pleurant je demande mon pardon. La pauvre femme, qui me reconnaissait à peine, tant j’étais changé, fut attendrie : elle n’eut pas la force de me repousser, elle parut même avoir tout oublié, et me réintégra dans mon ancienne chambre, après avoir pourvu à mes besoins. Il fallait néanmoins que mon père fût prévenu de ce retour ; elle ne se sentait pas le courage d’affronter les premiers éclats de sa colère : un ecclésiastique de ses amis, l’aumônier du régiment d’Anjou,