Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/93

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cent mille florins de rente, nous sommes trois, tu nous feras à chacun mille écus de pension, payables d’avance, et je palperai de plus une prime de trente mille francs, pour avoir fait un comte du fils d’un boulanger. »

J’étais déjà ébranlé : cette harangue, dans laquelle le Général m’avait adroitement présenté toutes les difficultés de ma position, acheva de triompher de ma résistance, qui, à vrai dire, n’était pas des plus opiniâtres. Je consens à tout ; on se rend chez la baronne : le comte de B… tombe à ses pieds. La scène se joue, et, ce qu’on aura peine à croire, je me pénètre si bien de l’esprit du rôle, que je me surprends un moment, m’y trompant moi-même ; ce qui arrive, dit-on, quelquefois aux menteurs. La baronne est charmée des saillies et des mots de sentiment que la situation m’inspire. Le Général triomphe de mes succès, et tout le monde est enchanté. Il m’échappait bien par-ci par-là quelques expressions qui sentaient un peu la cantine, mais le Général avait eu soin de prévenir la baronne que les troubles politiques avaient fait singulièrement négliger mon éducation : elle s’était contentée de cette explication. Depuis, M. le maréchal Suchet ne s’est