Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/193

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joie de recevoir de ses nouvelles, sa femme, à qui il avait écrit, et qui le croyait mort, avait montré sa lettre à ses voisins, et déjà parmi eux des officieux l’avaient dénoncé : les misérables ! ce sont eux aujourd’hui qui l’envoient à la mort. Pour quelques vieux pierriers dont était armé le navire qu’il montait, un navire qui a amené sans combattre, on le traite comme s’il avait porté les armes contre sa patrie. Convenez que les lois sont injustes. Oh ! oui, les lois sont injustes, répétèrent plusieurs des assistants, que je vis se grouper autour d’un lit pour jouer aux cartes, et boire du chenic. – À la ronde, mon père en aura, dit l’un d’eux en faisant passer le verre. – Allons donc ! dit un second, qui remarquait l’air de consternation de Lelièvre, dont il secoua le bras, ne va-t-il pas se désoler celui-là ? aujourd’hui son tour, demain le nôtre. »

Ce colloque, atrocement prolongé, dégénéra en horribles plaisanteries ; enfin le son du tambour et des fifres, que l’écho de la rivière répétait sur plusieurs points, nous indiqua que les détachements des divers corps se mettaient en marche pour regagner le camp. Un morne silence régna dans la prison pendant quelques minutes ;