Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/221

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aurait vu mon visage pâlir et tous mes membres s’agiter comme par une espèce de tressaillement. Le lieutenant Thierry, mon voisin ! Il pouvait me reconnaître, me signaler, un geste, un rien pouvait me trahir : aussi me donnai-je bien garde de me montrer. La nécessité d’achever mon inventaire légitimait mon manque de curiosité. Je passai une nuit affreuse. Enfin, à quatre heures du matin, le départ de l’infernal cortège me fut annoncé par le cliquetis des fers : je respirai.

Il n’a pas souffert celui qui n’a pas connu des transes pareilles à celles dans lesquelles me jeta la présence de cette troupe de bandits et de leurs gardiens. Reprendre des fers que j’avais brisés au prix de tant d’efforts, cette idée me poursuivait sans cesse : mon secret, je ne le possédais pas seul, il y avait des forçats par le monde, si je les fuyais, je les voyais prêts à me livrer : mon repos, mon existence étaient menacés partout, et toujours. Un coup d’œil, le nom d’un commissaire, l’apparition d’un gendarme, la lecture d’un arrêt, tout devait exciter et entretenir mes alarmes. Que de fois j’ai maudit les pervers qui, trompant ma jeunesse, avaient souri à l’élan désordonné de mes passions,