Page:Vidocq - Mémoires - Tome 3.djvu/10

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au salaire, ils n’en recevaient point, c’était déjà une assez grande faveur que de pouvoir se livrer à la rapine impunément. Cette impunité n’expirait qu’avec le flagrant délit, lorsque l’autorité judiciaire intervenait, ce qui était assez rare.

Long-temps on n’avait admis dans la police de sûreté que des voleurs non encore condamnés ou libérés : vers l’an vi de la République, on y fit entrer des forçats évadés, qui briguaient les emplois d’agents secrets, afin de se maintenir sur le pavé de Paris. C’étaient là des instruments fort dangereux, aussi ne s’en servait-on qu’avec une extrême défiance, et dès l’instant qu’ils cessaient d’être utiles, on se hâtait de s’en débarrasser. D’ordinaire, on leur décochait quelque nouvel agent secret qui, en les entraînant dans une fausse démarche, les compromettait et fournissait ainsi le prétexte de leur arrestation. Les Richard, les Cliquet, les Mouille-Farine, les Beaumont, et beaucoup d’autres qui avaient été des limiers de la police, furent tous reconduits au bagne, où ils ont terminé leur carrière, accablés de mauvais traitements que leur prodiguaient d’anciens compagnons qu’ils avaient trahis ; alors c’était l’usage, les agents faisaient la guerre aux agents, et le champ restait aux plus astucieux.