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CHAPITRE V.

l’honneur de la création de la Théorie des analogues ne resterait pas attaché à son nom. Les historiens de la science l’eussent un jour compté parmi les précurseurs de l’auteur de ce progrès, non pour cet auteur lui-même. « Trouverait-on, a dit Condorcet[1], une grande théorie dont les premières idées, les détails et les preuves appartiennent à un seul homme ? Et n’est-il pas juste d’accorder plutôt la gloire d’une découverte à celui à qui on en doit le développement et les preuves, à celui qui, avec autant de génie, a été utile, qu’à l’auteur d’une première idée vague, souvent équivoque, et dans laquelle on n’aperçoit quelquefois le germe d’une découverte que par ce qu’un autre l’a déjà développé ? »

Et combien cette règle d’appréciation, depuis longtemps consacrée dans la jurisprudence scientifique, est ici confirmée par les enseignements de l’histoire ! Plus d’un exemple illustre atteste que les passages que nous avons cités, si remarquables qu’ils soient, seraient ou restés ou promptement tombés dans l’oubli, sans l’importance qu’ils ont reçue des travaux ultérieurs de l’auteur. Qui se souvenait, avant Geoffroy Saint-Hilaire, que Belon avait osé, en 1555, dresser le squelette de l’Oiseau vis-à-vis de celui de l’Homme ? Qui, depuis deux siècles, avait vu, dans l’immortel livre de l’Optique,

  1. Éloge de Linné.