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CHAPITRE X.

Au contraire, la succession des deux ordres de travaux, non-seulement n’a rien de contradictoire et d’irrationnel, mais elle est nécessaire. Assurément, il ne sera pas donné à tous, observateurs exacts et sévères à leur début, hardis et heureux généralisateurs plus tard, de se distinguer successivement par ces deux genres de mérite si différents ; mais, assurément aussi, celui qui n’aura pas d’abord possédé le premier, ne doit pas espérer de voir un jour briller en lui le second. Les faits d’abord ; après eux, et par eux, les idées ; et qui a la force de s’élever vers celles-ci, doit avoir aussi la sagesse de s’en tenir longtemps aux premiers[1].

Ainsi a fait Geoffroy Saint-Hilaire, zoologiste spécial dans sa jeunesse, naturaliste philosophe dans son âge mûr, comprimant, durant vingt années, l’élan de sa pensée, afin de le rendre plus puissant, et n’atteignant enfin le but de toute sa vie que parce qu’il avait su s’en détourner.

    et particulièrement des Mémoires qui composent le second volume de la Philosophie anatomique.

  1. Geoffroy Saint-Hilaire a toujours pensé ainsi, et il semble qu’il ait voulu se poser à lui-même cette maxime dès son début. Les lignes suivantes sont presque les premières qu’il ait écrites sur la science : « L’homme qui ne s’est pas assez livré à l’étude de la nature, épuise son esprit en fausses combinaisons pour en avoir voulu trop tôt tirer des raisonnements. » (Extrait du préambule inédit du Mémoire sur l’Aye-aye, dont nous avons parlé plus haut. Voyez p. 42.)