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xiv
PRÉFACE

l’homme qu’il lui faut pour abriter son vice, et, quoique Lazare laisse bien entendre qu’il n’est pas dupe, pour avoir la paix et profiter du crédit de l’archiprêtre, il s’accommode du partage. En somme il se tient pour le plus heureux des hommes et se voit au plus haut de la roue. « En ce temps j’étais dans ma prospérité et au comble de toute bonne fortune. » Telle est la conclusion du livre, la vraie fin du roman.

Notre traduction contient il est vrai un chapitre encore qui traite de l’amitié et compagnonnage de Lazare avec certains Allemands venus à Tolède — soldats sans doute des bandes de Charles-Quint — et des gogailles et beuveries qu’ils firent ensemble, lui leur servant de guide et d’introducteur dans les tavernes où il plaçait ses vins. Ce chapitre n’appartient pas au roman primitif, il est en réalité le premier d’une continuation du Lazarille qui suivit de près la première partie et parut à Anvers en 1555. Néanmoins, pour ne pas paraître moins complet que nos devanciers, nous n’avons pas voulu nous écarter d’un usage constant et fort ancien (il date de la plus ancienne traduction française, de 1561), qui allonge le premier Lazarille d’un emprunt fait au second. Non que nous approuvions cet emprunt, qui a le tort de confondre deux choses distinctes, de souder au Lazarille seul connu et universellement accepté un fragment d’une suite qu’il n’y a pas lieu d’imputer au même auteur.

Cet auteur du premier Lazarille, il serait temps de le nommer. Mais le moyen, si on ne le connaît pas ? Une tradition, devenue peu à peu une croyance quasi générale, adoptée par le public et patronnée par des gens graves et doctes, attribue la petite nouvelle à un des hommes d’État les plus éminents du règne de Charles-Quint, rien moins qu’à Diego Hurtado de Mendoza.