Page:Vielé-Griffin - Le Domaine royal, 1923.djvu/47

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Du cyprès qu’on planta, le même jour, redit : « Souviens-toi » ! même à ceux dont le deuil a grandi, De nuit en nuit, du soir à l’aube, vingt années, De qui l’avril surprend les âmes, étonnées Que l’automne et l’hiver aient passé, qu’il bruisse Des feuilles, que la terre, oublieuse et complice, Chante, en la voix des nids, parmi les carillons, Elle, qui porte en soi les morts par millions ! « Souviens-toi ! », redit-il, à ceux qui se souviennent Et dont les pleurs taris rident la joue ancienne D’un sillon comparable au torrent desséché ; Le doux soleil de juin, vers l’occident penché, Dore l’arbre, agrandi des heures d’un vain jour : « Souviens-toi ! »... et, soudain, les furtives amours, Qu’abrite l’ombre longue au-dessus de la haie Et qui s’enivraient d’elle et de la roseraie, Sont plus graves ; la main s’attarde dans la main : Un mot qu’ils oubliaient, semble proche : demain ? Etonnés de vieillir, eux nés avec l’aurore, Et de se rappeler ce qui n’est pas encore.