Page:Viennet - Promenade philosophique au cimetière du père la Chaise.djvu/168

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chant de ce tombeau, je ne pus retenir mes larmes à l’aspect de deux soldats mutilés qui venoient lui porter le même hommage. Je reconnus à leurs vêtements deux habitants de cet hospice célèbre, qu’à l’exemple de Pisistrate, la magnifique reconnoissance de Louis XIV voulut consacrer au courage malheureux. Ils étoient debout et immobiles. Ils penchoient vers la terre leurs têtes découvertes ; ils attachoient leurs regards humides sur le marbre ; et, d’une voix altérée par la douleur, ils s’entretenoient des victoires du grand capitaine dont ils avoient suivi les drapeaux.


Ils contoient ses exploits aux monts de l’Helvétie,
Quand Charle et Suwarow, maîtres de l’Italie,
Dévoroient en espoir la terre des François.
Masséna dans Zurich arrêta leurs succès,
Confondit leur orgueil, et sauva la patrie.
Aux bords de la Limath leurs bataillons, surpris,
Laissent leurs étendards et leurs lauriers flétris ;
Vers les monts du Tyrol l’effroi les précipite.
Du sang des Austriens et du sang moscovite
Les rochers, les vallons, les fleuves sont rougis ;
Rien ne peut du vainqueur arrêter la poursuite ;