Page:Viennet - Promenade philosophique au cimetière du père la Chaise.djvu/24

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réparer ? Qui n’a point souffert des atteintes de ce volcan politique, dont les éruptions diverses ont déplacé tant de fois les hommes et les choses ? Le sol même de la France en a été bouleversé ; et rien ne l’atteste mieux que ce débris des monastères, ce monument d’amour et de piété, qui vient en ce moment de frapper mes regards.

Pourquoi les cendres d’Abailard et d’Héloïse sont-elles là ? Quelle destinée que celle de cet amant, dont Pope et Colardeau ont immortalisé les infortunes ! Tourmenté par une passion violente, lâchement mutilé par la cruauté d’un prêtre barbare, persécuté par le fanatisme de saint Bernard, emprisonné, trahi par des moines perfides, condamné par un concile pour une de ces questions ridicules qui agitoient alors le monde chrétien, Abailard avoit au moins le droit d’espérer la paix des tombeaux ; et sa cendre est errante comme sa vie. Le vénérable abbé de Cluny la dérobe pendant la nuit au monastère de Saint-Marcel pour la rendre aux vœux de la tendre Héloïse, qui lui dresse une tombe dans une chapelle du Paraclet. Le même cer-