Page:Viennet - Promenade philosophique au cimetière du père la Chaise.djvu/57

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séparer ses chants des paroles qui les avoient inspirés. Il offroit par-tout cette unité d’intérêt qui, dans tous les arts, est le secret des maîtres. C’étoit le chant dramatique dans toute sa vérité. Il a osé le dire lui-même, et toute la France a ratifié cet éloge. Cependant le faux goût luttoit encore contre l’évidence ; il se retranchoit dans sa dignité ; il crioit au scandale, au sacrilège même ; il lui opposoit la tyrannie de l’usage, comme si l’usage pouvoit légitimer la sottise, comme s’il existoit une prescription pour les faux principes, un privilège pour le mauvais goût et pour les mauvaises lois. Grétry fit justice de cette prétention absurde, et se vengea en habile homme. Il exposa ses ennemis aux risées du parterre sous les traits de Midas, de Marsyas, et de Pan, et terrassa la sottise avec les armes du ridicule. Il lui fut permis alors de jouir de sa gloire, et le public lui prodigua son admiration. Je l’ai vu dans sa vieillesse assister à une représentation de Lucile. Il s’étoit réfugié près du cintre, et croyoit n’être aperçu de personne. Au moment où l’orchestre joua cet air qui est devenu populaire, et qui a servi tant de fois à