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PORTRAITS JAUNES

sa moisson ; il se livre à ces travaux, laboure et récolte au moment des pluies, des glaces et des neiges[1].

Voyageant pendant plus de la moitié de l’année, quelquefois côte à côte avec les païens, passant et repassant dans leurs villes et leurs villages, s’asseyant en face d’eux dans les auberges, comment le missionnaire parvenait-il à échapper à ses ennemis ?

Ici nous allons raconter des traits de mœurs curieux et qui appartiennent uniquement à ces pays singuliers. Le prêtre européen se tirait d’affaire avec deux moyens.

Le premier consistait à revêtir un costume de deuil. Ce costume lui rendait le plus grand service, car le Coréen en deuil, devant être tout absorbé dans sa tristesse, a la tête, la figure et les épaules emboîtées sous un énorme chapeau, qui le masque parfaitement aux yeux des passants ; bien plus, lorsqu’il rencontre quelqu’un, il se cache encore la figure avec un morceau de toile attaché à deux bâtons qu’il tient à la main.

L’habit de dessus se compose d’une longue et ample redingote, qui descend jusqu’aux pieds, avec des manches extrêmement larges, puis d’une longue ceinture, le tout est de toile grise ; plus le tissu est grossier, mieux cela vaut, car si la toile était de belle qualité, on s’exposerait à être hué dans la rue, parce qu’il semblerait que l’on cherche à bannir la tristesse du deuil à l’extérieur comme à l’intérieur. Les gens en deuil ne chantent point, ne jouent point, ne touchent point aux armes et ne se marient point.

Cela faisait singulièrement le jeu des missionnaires qui cherchaient à se dissimuler dans la foule ; mais c’était un assujettissement pénible, surtout à cause du chapeau si encombrant ; aussi ceux qui possédaient un type de figure se rapprochant plus ou moins du type coréen portaient simplement le costume ordinaire dont nous allons donner la description :

Un petit et élégant chapeau noir qui n’entre pas dans la tête, mais se pose seulement sur les cheveux relevés et noués au sommet ; tout le monde en Corée garde les cheveux longs,

  1. Lettres du P. C***, missionnaire en Corée.