Page:Vignon - Un drame en province - La Statue d Apollon.djvu/215

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Tous deux reviennent de Rome, où la comtesse a dû passer l’hiver, pour se remettre d’un commencement d’affection pulmonique, survenu après une seconde couche. À les voir ainsi rêveurs et silencieux, on ne dirait pas des amoureux en extase, ni des époux indifférents et ennuyés ; mais on dirait un couple heureux et dès longtemps accoutumé à une vie sans secousses.

En effet, ils avaient la richesse, cette première condition, qui ne fait pas le bonheur, mais qui lui permet au moins d’approcher. Mariés depuis dix ans, ces dix années leur semblaient un rêve, tant elles avaient vite passé. Le comte était regardé comme un homme d’un rare mérite. La comtesse, jolie, intelligente, pleine de grâce et de talent, n’avait trouvé dans la vie que des fêtes et des sourires. Elle aimait son mari, ou, du moins, elle n’avait jamais été tentée d’en aimer un autre, — soit que son cœur eût été juste assez occupé pour ne pas prendre garde aux hommages qu’on lui adressait, soit que ces hommages, contenus dans des bornes sévères par le respect, par les barrières morales qui entourent et défendent les femmes du monde, n’aient jamais été d’une séduction bien puissante. Pour le comte, il aimait sa femme d’un amour profond, mais calme, parce qu’il comptait