Page:Vignon - Un drame en province - La Statue d Apollon.djvu/225

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C’est que les ivresses que nous rêvons sont mille fois plus séduisantes que les ivresses de la réalité. Les joies que nous avons goûtées, nous en savons les amertumes aussi bien que les douceurs ; au milieu des plus divins transports nous avons senti la piqûre qui nous a rappelé que nous sommes enfants de la terre et condamnés à la douleur.

Les joies entrevues par l’imagination, au contraire, sont sans limites et sans contre-poids. L’âme dégagée de ses liens de chair ne connaît pas de barrière qui l’arrête dans son essor, ni de blessure qui mélange de peine ses plus délicieuses voluptés.


IX


Mme de Morelay ne se disait pas tout cela. Elle n’en était pas à la philosophie du sentiment, mais à l’étonnement et à la terreur qui précèdent la passion.

Après quelques tours de promenade silencieuse, le comte lui demanda si elle se sentait fatiguée du voyage et si elle voulait rentrer à l’hôtel. Sur sa réponse affirmative, il reprit le chemin de la plage ; mais tout à coup il s’arrêta :

— Écoutez donc ! quelle belle voix ! s’écria-t-il.

En effet, tout près d’eux, une voix d’homme en-