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Page:Vigny - Éloa, 1824.djvu/49

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CHANT III.

« Soit que tes yeux voilés d’une ombre de tristesse,
« Aient entendu les miens qui les cherchaient sans cesse,
« Soit que ton origine aussi douce que toi,
« T’ait fait une patrie un peu plus près de moi,
« Je ne sais, mais depuis l’heure qui te vît naître,
« Dans tout être créé j’ai cru te reconnaître ;
« J’ai trois fois en pleurant passé dans l’Univers.
« Je te cherchais partout, dans un souffle des airs,
« Dans un rayon tombé du disque de la lune,
« Dans l’étoile qui fuit le ciel qui l’importune,
« Dans l’arc-en-ciel, passage aux anges familier,
« Ou sur le lit moelleux des neiges du glacier ;
« Des parfums de ton vol je respirais la trace ;
« En vain j’interrogeai les globes de l’espace ;
« Du char des astres purs j’obscurcis les essieux,
« Je voilai leurs rayons pour attirer tes yeux,
« J’osai même, enhardi par mon nouveau délire,
« Toucher les fibres d’or de la céleste lyre.