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CHANT III.

Ce trouble des regards, grâce de la décence,
Accompagnait ces mots forts comme l’innocence ;
Ils tombaient de sa bouche aussi doux, aussi purs
Que la neige en hiver sur les coteaux obscurs ;
Et comme tout nourris de l’essence première,
Les Anges ont au cœur des sources de lumière,
Tandis qu’elle parlait, ses ailes à l’entour,
Et son sein et ses bras répandirent le jour :
Ainsi le diamant luit au milieu des ombres.
L’Archange s’en effraie, et sous ses cheveux sombres
Cherche un épais refuge à ses yeux éblouis ;
Il pense qu’à la fin des Temps évanouis,
Il lui faudra de même envisager son maître,
Et qu’un regard de Dieu le brisera peut-être ;
Il se rappelle aussi tout ce qu’il a souffert
Après avoir tenté Jésus dans le désert.