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ALFRED DE VIGNY

Alfred de Vigny est peut-être, dans le grand triumvirat romantique, celui qui représente le plus purement le romantisme : il est romantique de race et non d’influence, et c’est lui qui, à l’orchestre, donne le ton à Hugo.

Romantique de race ! Le romantisme fut, en effet, un état physiologique, une sorte de neurasthénie de la sensibilité ébranlée par la Terreur. Vigny fut un des plus sincères et des plus curieux malades de cette maladie du siècle, et son œuvre, une hautaine et impuissante réaction contre cette faiblesse. On sait maintenant que les romantiques furent des vaincus qui exaltèrent leur défaite. Vigny, lui, transmua cette défaillance en une sorte de scepticisme encore ému et inquiet : la Bible ne fut pas seulement pour lui, en effet, comme pour Hugo, un dictionnaire d’images ; il venait brouter là, aux étapes de la vie, l’herbe amère du sacrifice. Chez lui, le janséniste, de vieille souche, a résisté à toutes les cultures, et, ce paganisme qui l’a tant troublé