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ALFRED DE VIGNY

philosophiquement (on en perçoit la hantise déjà nietzschéenne dans Daphné), et même poétiquement à travers Chénier, il n’a, malgré tout, réussi qu’à le janséniser. Derrière toutes les négations hautaines de Vigny, il y a le Dieu d’Athalie. On n’a pas assez dit combien l’œuvre de Vigny était racinienne dans sa forme et dans sa pensée : c’est le même art et c’est le même cruel mysticisme, dont la source vient directement de Port-Royal. C’est par Vigny que se continue cette tradition littéraire. A côté de lui, Hugo apparaît comme un parvenu qui s’est trouvé une généalogie littéraire dans Chateaubriand.

Dans Moïse, dans Eloa et jusque dans les Destinées, on trouverait des vers d’une facture purement racinienne ; si bien que cette révolution poétique dont Vigny fut un des initiateurs est la vraie et directe continuation du classicisme. C’est dans le Journal d’un Poète que Vigny nous a laissé la confession de sa vie et l’expression de sa philosophie. Car, aventure presque unique, ce poète est un penseur, et ses poèmes satisfont davantage notre intelligence que notre sensibilité. Dans chacune de ses poésies, une idée est enfermée, comme une goutte de sang dans une pierre transparente. A ce point de vue, Vigny est le premier des symbolistes et les poètes de cette école l’ont toujours reconnu comme leur maître. Ce poète