Page:Vigny - Héléna, 1822.djvu/33

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Alors Mora, semblable aux antiques Rapsodes
Qui chantaient sur les flots d’harmonieuses odes,
Enflamma ses discours de ce feu précieux
Que conservent aux Grecs l’amour et leurs beaux cieux :
« Ô regarde, Héléna ! que ta tête affligée
« Se soulève un moment pour voir la mer Égée ;
« Ô respirons cet air ! c’est l’air de nos aïeux,
« L’air de la liberté qui fait les demi-dieux ;
« La rose et le laurier qui l’embaument sans cesse,
« De victoire et de paix lui portent la promesse,
« Et ses beaux champs captifs qui nous sont destinés
« Ont encor dans leur sein des germes fortunés :
« Le soleil affranchi va tous les faire éclore.
« Vois ces îles : c’étaient les corbeilles de Flore ;
« Rien n’y fut sérieux, pas même les malheurs ;
« Les villes de ces bords avaient des noms de fleurs ;
« Et, comme le parfum qui survit à la rose,
« Autour des murs tombés leur souvenir repose.
« Là, sous ces oliviers au feuillage tremblant,
« Un autel de Vénus lavait son marbre blanc ;
« Vois cet astre si pur dont la nuit se décore
« Dans ce ciel amoureux, c’est Cythérée encore :