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ALFRED DE VIGNY

et que par vous, à sa prière, je puis être pardonné de mes fautes.

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D’où vient, hélas ! qu’après cette profonde ardeur de mes prières, plus paisible que je ne l’étais, je reviens dans ma maison déserte avec plus de force pour contenir mes larmes ? Mais d’où vient aussi que mon cœur toujours serré me porte à la chercher sans cesse autour de moi, et que je me dis avec une terreur sans bornes : « Je ne l’ai plus ! je ne l’ai plus ! » Sommes-nous donc si faibles, que nos plus saintes prières ne puissent nous rien ôter des tendresses du sang et des nœuds de famille ? Quand vous les rompez pour toujours, pourquoi ne nous pas donner la force de croire qu’ils seront retrouvés, et de le croire sans hésiter ? …

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Derniers moments ! Agonie ! Derniers moments, vous ne sortirez jamais de ma mémoire. Je veux plonger cette nuit dans mes plus cruels souvenirs. Si j’ai fait quelque faute, que ce soit mon expiation. J’y trouve un amer bon heur et je veux ainsi me flageller. — Je serai cruel, cruel à moi-même, mon Dieu ! cruel et sans pitié : dût mon cœur se fendre et me faire mourir !