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Page:Vigny - Journal d’un poète, éd. Ratisbonne, 1867.djvu/62

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ALFRED DE VIGNY

tique d’avocat ; toute magnifique, et toute pleine de trahisons et de récompenses.


Le jour où il n’y aura plus parmi les hommes ni enthousiasme, ni amour, ni adoration, ni dévouement, creusons la terre jusqu’à son centre, mettons-y cinq cents milliards de barils de poudre et qu’elle éclate en pièces comme une bombe au milieu du firmament.


Enterrement de Benjamin Constant. — Je ne l’ai vu qu’une fois l’hiver dernier, chez madame O’Reilly. — Il y fut d’une coquetterie charmante à mon égard, disant à côté de moi qu’il me regardait comme le plus grand des jeunes écrivains. — Quand je lui parlai de l’acharnement avec lequel on poursuivait la poésie dans le côté gauche de la Chambre, il me dit que c’était affaire de bonne compagnie, que c’était crainte de paraître vouloir briser toutes les chaînes, qu’on voulait conserver les plus légères, celles des règles littéraires… J’engageai avec lui une sorte de petite querelle polie sur ce sujet et il se laissa battre, avec Walstein, très-complaisamment.

C’était un homme d’un esprit supérieur. Il combattit toujours sans récompense : ce que j’estime. Mais je crois