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JOURNAL D’UN POÈTE

qu’il avait son but d’ambition très-élevé, qu’il n’a pas atteint. — Il n’eût pas été satisfait d’être pair de France ou premier ministre ; peut-être lui fallait-il une république et en être président. — La dynastie des Bourbons l’importunait, il a contribué à la renverser ; et la tristesse qu’il a confessée à la tribune lui est venue de l’impuissance où il se sentait plongé de rien fonder sur les ruines qu’il nous a faites.

Il avait un assez noble profil, des formes polies et gracieuses, il était homme du monde et homme de lettres, alliance rare, assemblage exquis. — Je crois qu’il avait un cœur froid et nulle imagination.


Les Français ont de l’imagination dans l’action et rarement dans la méditation solitaire.


Le monde a la démarche d’un sot, il s’avance en se balançant mollement entre deux absurdités : le droit divin et la souveraineté du peuple.


Il est dit que jamais je ne verrai une assemblée d’hommes quelconque sans me sentir battre le cœur d’une