Page:Vigny - Le Trappiste, 1823.djvu/25

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sème que du sang, et nous y faisions germer de saints exemples de repentir et de désintéressement. À notre entrée à la Val-Sainte, notre oreille fut long-temps poursuivie dans le silence du cloître par les gémissemens de vos guerres civiles : c’était la dernière voix de la terre que nous eussions entendue, et elle nous avait paru comme son dernier cri. Et cependant voilà que, vingt ans après, au sortir de Sainte-Suzanne, les premiers bruits du monde que nous entendons sont tout semblables à ces bruits ; la même liberté fait couler les mêmes larmes et le même sang. Vos révolutions n’ont donc pas cessé leur cours ? Comment existe-t-il encore des peuples, et comment se trouve-t-il encore quelques rois à leur jeter ? »

Ô que n’ai-je acquis plus de gloire ! J’emploierais à être utile à ses hommes vénérables le crédit miraculeux qu’elle donne sur les âmes, et j’ajouterais mon nom à leur éloge, comme pour le sceller de toute son autorité ; mais si je suis trop jeune pour avoir le droit de faire tant de bien, j’ai du moins celui de rappeler pour eux l’intérêt qu’un homme illustre leur a porté.

La main qui nous a donné le Génie du Christianisme n’a pas dédaigné de transcrire à la suite d’un si beau livre les lettres naïves d’un Trapiste [1] de Sainte-Suzanne, qui forment comme une histoire complète, où l’on voit son entrée au couvent, ses pieuses souffrances et sa fin.

Une dernière lettre, qui annonce la mort précieuse qu’il a

  1. M. de Clauzel, frère de M. de Clauzel de Coussergues.