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le somnambule

Celle dont la présence enflamma ces bocages
Répondait aux pasteurs du sein des verts feuillages.
Et, par des bruits secrets, mélodieux et sourds,
Donnait le prix du chant ou jugeait les amours.
Bathylle aux blonds cheveux, Ménalque aux noires tresses[1],
Un jour lui racontaient leurs rivales tendresses.
L’un parait son front blanc de myrte et de lotus ;
L’autre, ses cheveux bruns de pampres revêtus.
Offrait à la Dryade une coupe d’argile ;
Et les roseaux chantants enchaînés par Bathylle,
Ainsi que le dieu Pan l’enseignait aux mortels,
S’agitaient, suspendus aux verdoyants autels[2].
J’entendis leur prière, et de leur simple histoire
Les Muses et le temps m’ont laissé la mémoire.

ménalque

Ô Déesse propice ! écoute, écoute-moi !
Les Faunes, les Sylvains dansent autour de toi,
Quand Bacchus a reçu leur bruyant sacrifice ;
Ombrage mes amours, ô Déesse propice[3] !

  1. Gessner, Lycas et Milon : Le jeune chanteur Milon, dont le menton délicat n"était encore garni que d’un duvet léger, répandu çà et là, comme Therbe naissante qui perce, à l’ouverture du printemps, à travers les dernières neiges ; le beau Lycas, portant ses cheveux ondoyants et blonds comme les épis aux approches de la moisson…
  2. Gessner, Lycas et Milon : Mais bientôt Pan m’apparut en songe. « Jeune homme, me dit-il, va dans la forêt chercher la flûte que le chanteur Hylas a suspendue au chêne qui m’est consacré… » — Idas, Micon : Si tu m’apprends cette chanson, je te ferai présent de cette flûte à neuf trous. Moi-même j’en ai taillé les roseaux, après les avoir choisis avec soin sur le rivage, et je les ai réunis avec de la cire odoriférante.
  3. Gessner, Chloé : Nymphes favorables qui habitez cette grotte paisible…, vous qui de vos urnes versez les eaux de cette claire fontaine lorsque vous n’êtes point occupées à danser dans les épaisses forêts avec les dieux des bois…, nymphes favorables, prêtez l’oreille à nos plaintes !… soyez favorables à mon amour !