Si le fier léopard, que les jeunes Sylvains
Attachent rugissant au char du Dieu des vins,
Voit amener au loin l’inquiète tigresse
Que les Faunes, troublés par la joyeuse ivresse,
N’ont pas su dérober à ses regards brûlants,
Il s’arrête, il s’agite, et de ses cris roulants
Les bois sont ébranlés ; de sa gueule béante,
L’écume coule à flots sur une langue ardente[1] ;
Furieux, il bondit, il brise ses liens,
Et le collier d’ivoire et les jougs phrygiens[2][3] :
Il part, et, dans les champs qu’écrasent ses caresses,
Prodigue à ses amours de fougueuses tendresses.
Ainsi, quand tu descends des cimes de nos bois,
Ida ! lorsque j’entends ta voix, ta jeune voix,
Annoncer par des chants la fête bacchanale,
Je laisse les troupeaux, la bêche matinale,
Et la vigne et la gerbe où mes jours sont liés :
Je pars, je cours, je tombe et je brûle à tes pieds.
Quand la vive hirondelle est enfin réveillée,
Elle sort de l’étang, encor toute mouillée,
Et, se montrant au jour avec un cri joyeux.
Au charme d’un beau ciel, craintive, ouvre les yeux ;
Puis, sur le pâle saule, avec lenteur voltige,