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poèmes antiques et modernes

S’ouvre sur le balcon la moresque fenêtre ;
Une aurore imprévue à minuit semble naître[1],
Quand la lune apparaît, quand ses gerbes d’argent
Font pâlir les lueurs du feu rose et changeant ;
Les deux clartés à l’œil offrent partout leurs pièges[2].
Caressent mollement le velours bleu des sièges,
La soyeuse ottomane où le livre est encor[3],
La pendule mobile entre deux vases d’or,
La Madone d’argent, sous des roses cachée[4].
Et sur un lit d’azur une beauté couchée.



Oh ! jamais dans Madrid un noble cavalier[5]
Ne verra tant de grâce à plus d’art s’allier[6] ;
Jamais pour plus d’attraits, lorsque la nuit commence.
N’a frémi la guitare et langui la romance ;
Jamais dans nulle église on ne vit plus beaux yeux
Des grains du chapelet se tourner vers les cieux ;
Sur les mille degrés du vaste amphithéâtre
On n’admira jamais plus belles mains d’albâtre

  1. Var v. 6-8 : O, Une autre aurore ici dans l’ombre semble naître ; | Car la lune, de loin, unit son feu d’argent | Au feu qui, suspendu, veille rose et changeant ;
  2. Var v. 9-10 : P2, A substituent à ces deux vers les six vers suivants : Car sa flamme est auprès de celle de la terre | Ce qu’est l’amour céleste à l’amour adultère. | Comme un fleuve de lait lentement répandu, | Inondant le tapis dans la chambre étendu, | L’astre mystérieux présente à l’œil des pièges, | Il éclaire en montant le velours bleu des sièges,
  3. Var : O, où la sieste s’endort
  4. Var : O, P2, madone D, deux roses
  5. Var : O, F2, A, Ô jamais
  6. Var : O, P2, Ne peut voir