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Page:Vigny - Poèmes antiques et modernes, éd. Estève, 1914.djvu/176

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poèmes antiques et modernes

Ce col, ce sein d’albâtre, à l’air nocturne ouverts.
Et ces longs cheveux noirs tombant sur son épaule,
Comme tombe à ses pieds le vêtement du saule ?



Dolorida n’a plus que ce voile incertain[1][2],
Le premier que revêt le pudique matin
Et le dernier rempart que, dans sa nuit folâtre[3],
L’amour ose enlever d’une main idolâtre[4][5].
Ses bras nus à sa tête offrent un mol appui[6],
Mais ses yeux sont ouverts, et bien du temps a fui
Depuis que, sur l’émail, dans ses douze demeures.
Ils suivent ce compas qui tourne avec les heures[7][8].
Que fait-il donc, celui que sa douleur attend[9] ?
Sans doute il n’aime pas, celui qu’elle aime tant.

  1. Berlin, Élégies, I, 8 (portrait d’Eucharis jouant de la harpe) :

    Et le voile incertain des cordes transparentes,
    Même en les dérobant, embellit ses appas.

  2. Var v. 35-58 : B-C3 suppriment totalement ces quatre vers et les remplacent par les vers 55-58 du texte définitif : Pourquoi Dolorida, etc.
  3. Var : O, la nuit
  4. Le Brun, Élégies, IV, 4 :

    La lumière veillait : elle offrait à ma vue
    En dépit des rideaux importuns et jaloux
    Ta, vermeille beauté mollement étendue
    Sous un lin qui voilait les charmes les plus doux.
    Je n’osais soulever l’importune barrière…

  5. Var : P2, A, L’Amour
  6. Var : D, nuds
  7. André Chénier (éd. de 1819) :

    Peut-être avant que l’heure en cercle promenée
    Ait posé sur l’émail brillant,
    Dans les soixante pas où sa course est bornée,
    Son pied sonore et vigilant…

    — Millevoye, La demeure abandonnée :

    L’aiguille qui du temps, dans ses douze demeures
    Ne marque plus les pas…

  8. Var : P2, A-C3 le compas
  9. Var : B-C3, que toujours elle attend ?