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poèmes antiques et modernes

N’oublia loin de toi ton image adorée ;
L’infidélité même était pleine de toi,
Je te voyais partout entre ma faute et moi.
Et sur un autre cœur mon cœur rêvait tes charmes[1]
Plus touchants par mon crime et plus beaux par tes larmes[2].
Séduit par ces plaisirs qui durent peu de temps[3],
Je fus bien criminel ; mais, hélas ! j’ai vingt ans.

— T’a-t-elle vu pâlir ce soir dans tes souffrances ?

— J’ai vu son désespoir passer tes espérances.
Oui, sois heureuse, elle a sa part dans nos douleurs ;
Quand j’ai crié ton nom, elle a versé des pleurs ;
Car je ne sais quel mal circule dans mes veines ;
Mais je t’invoquais seule avec des plaintes vaines.
J’ai cru d’abord mourir et n’avoir pas le temps
D’appeler ton pardon sur mes derniers instants.

  1. Var v. 117-118 : O, Nul sourire enchanté ne me cachait tes larmes, | Et sur un autre cœur mon cœur rêvait tes charmes,
  2. Millevoye, Les regrets d’un infidèle :

    Oui, c’en est fait, Isore, un sentiment vainqueur
    Triomphe du nœud qui nous lie !
    Pauvre Isore, j’ai vu Délie :
    Délie a tous mes vœux, Délie a tout mon cœur.
    Et tandis que la nuit obscure
    Protège, loin de toi, nos muets entretiens.
    Tandis que ma bouche parjure
    Appelle des baisers qui ne sont plus les tiens.
    Aux tremblantes lueurs d’une lampe affaiblie
    Tu relis le dernier serment
    De l’infidèle qui t’oublie ;
    Tu songes à l’amour et tu n’as plus d’amant !
    Je suis déjà puni. Ta rivale a des charmes…
    Eh bien ! ton souvenir est encor plus puissant.
    Je te pleure eu te trahissant ;
    La légère inconstance a donc aussi des larmes !

  3. Var : O, qui vivent