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poèmes antiques et modernes

Ont peine à dissiper les épaisses ténèbres,
Un vieillard expirant attendait ses secours :
Du moins ce fut ainsi qu’en un brusque discours
Ses sombres conducteurs le lui firent entendre[1].
Un instant, en silence, on le pria d’attendre.
« Mon prince, dit quelqu’un, le saint homme est venu[2].
» — Eh ! que m’importe, à moi ? » soupira l’inconnu.
Cependant, vers le lit que deux lourdes tentures
Voilent du luxe ancien de leurs pâles peintures,
Le prêtre s’avança lentement, et, sans voir
Le malade caché, se mit à son devoir[3].

le prêtre.

Écoutez-moi, mon fils.

le mourant.

Hélas ! malgré ma haine,
J’écoute votre voix, c’est une voix humaine :
J’étais né pour l’entendre, et je ne sais pourquoi
Ceux qui m’ont fait du mal ont tant d’attraits pour moi[4].
Jamais je ne connus cette rare parole[5]
Qu’on appelle amitié, qui, dit-on, vous console ;
Et les chants maternels qui charment vos berceaux[6]
N’ont jamais résonné sous mes tristes arceaux[7] ;
Et pourtant, lorsqu’un mot m’arriva moins sévère[8],

  1. Var : M, Les sombres conducteurs à sa vue incertaine (corr. : le lui firent entendre) | Expliquaient (biffé).
  2. Var : P1, Mon Prince
  3. Var : M, commença (corr. : se mit à.) son devoir.
  4. Var : M, Ces discours (corr. : Ceux qui)
  5. Var : M, Jamais je n’entendis (corr. : ne connus)
  6. Var : M, Ni (corr. : Et)
  7. Var : M, 1er main, Ni les mots familiers (l’idée n’a pas été suivie) ; 2e main, N’ont jamais pénétré (corr. : résonné)
  8. Var : M, arrivait (corr. : m’arriva)