Page:Vigny - Poèmes antiques et modernes, éd. Estève, 1914.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
poèmes antiques et modernes

{{#tag :poem| Dieu même…

le mourant.

Il est un Dieu ? J’ai pourtant bien souffert[1] !

le prêtre.

Vous avez moins souffert qu’il ne l’a fait lui-même[2]. Votre dernier soupir sera-t-il un blasphème ? Et quel droit avez-vous de plaindre vos malheurs, Lorsque le sang du Christ tomba dans les douleurs ? Ô mon fils, c’est pour nous, tout ingrats que nous sommes[3], Qu’il a daigné descendre aux misères des hommes. À la vie, en son nom, dites un mâle adieu[4].

le mourant.

J’étais peut-être Roi.

le prêtre.

Le sauveur était Dieu[5] ; }}

  1. Var : P1, A-C3, Il est un Dieu !
  2. Chateaubriand, Atala : Le vieillard me releva avec bénignité, et je m’aperçus alors qu’il avait les deux mains mutilées. Atala comprit sur-le-champ ses malheurs. « Les barbares ! » s’écria-t-elle. « Ma fille, reprit le père [Aubry] avec un doux sourire, qu’est-ce que cela auprès de ce qu’a enduré mon divin Maître ? » — et plus loin : « La voilà donc [dit Chactas], cette religion que vous m’avez tant vantée ! Périsse le serment qui m’enlève Atala ! Périsse le Dieu qui contrarie la nature ! Homme prêtre, qu’es-tu venu faire dans ces forêts ? — Te sauver, dit le vieillard d’une voix terrible, dompter tes passions et t’empêcher, blasphémateur, d’attirer sur toi la colère céleste ! Il te sied bien, jeune homme à peine entré dans la vie, de te plaindre de tes douleurs !… Quand tu auras comme le père Aubry, passé trente années exilé sur les montagnes, tu seras moins prompt à juger des desseins de la Providence ; tu com-
  3. Var : M, 1er main, Homme ingrat, c’est pour vous (inachevé) 2e main, Ne soyons pas ingrats, ô mon fils, c’est pour nous 3e main, texte actuel.
  4. Var : M, 1er main, Et de plaindre nos maux nous croyons avoir lieu ? 2e main, Et nous ne quittons pas le bonheur sans adieu ; 3e main, texte actuel.
  5. Var : P1, A-C3, roi. Le Sauveur