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poèmes antiques et modernes

Dites-moi vos erreurs pour les voir effacées[1] ;
Et devant cette croix où Dieu monta pour nous[2],
Souhaitez avec moi de tomber à genoux[3].
— Sur le front du vieux moine, une rougeur légère[4]
Fit renaître une ardeur à son âge étrangère[5] ;
Les pleurs qu’il retenait coulèrent un moment[6] ;
Au chevet du captif il tomba pesamment ;
Et ses mains présentaient le crucifix d’ébène,
Et tremblaient en l’offrant, et le tenaient à peine.
Pour le cœur du Chrétien demandant des remords.
Il murmurait tout bas la prière des morts,
Et, sur le lit, sa tête, avec douleur penchée,
Cherchait du prisonnier la figure cachée.
Un flambeau la révèle entière : ce n’est pas
Un front décoloré par un prochain trépas[7],
Ce n’est pas l’agonie et son dernier ravage ;
Ce qu’il voit est sans traits, et sans vie, et sans âge :
Un fantôme immobile à ses yeux est offert[8],
Et les feux ont relui sur un masque de fer.



Plein d’horreur à l’aspect de ce sombre mystère,
Le prêtre se souvint que, dans le monastère,

  1. Var : M, 1er  main, Montrez-moi par des pleurs vos fautes effacées ; M, 2e main, P1, Par des larmes montrez vos fautes effacées ;
  2. Var : P1, A-C3, Croix
  3. Var : M, P1, Souhaitez comme moi
  4. Var : M, Sur le front du vieillard (corr. : vieux moine)
  5. Var : M, 1er  main, L’enflamma d’une ardeur qui semblait étrangère 2e main, Fit paraître (corr. : renaître) une ardeur à son âge étrangère
  6. Var : M, P1, Ses yeux gonflés (M, 1er  main, rougis) de pleurs, fixés avidement
  7. Var : M, Un front défiguré (corr. : décoloré)
  8. Var : M, 1er  main, C’est un spectre immobile échappé de l’enfer, 2e main, Un fantôme immobile à ses yeux s’est offert