Page:Vigny - Poèmes antiques et modernes, éd. Estève, 1914.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
poèmes antiques et modernes

L’aveugle-né voyait, sans pouvoir le comprendre,
Le lépreux et le sourd se toucher et s’entendre[1][2],
Et tous lui consacrant des larmes pour adieu[3],
Ils quittaient le désert où l’on exilait Dieu[4].
Fils de l’homme et sujet aux maux de la naissance[5],
Il les commençait tous par le plus grand, l’absence[6],
Abandonnant sa ville et subissant l’Édit,
Pour accomplir en tout ce qu’on avait prédit.



Or, pendant ces temps-là, ses amis en Judée
Voyaient venir leur fin qu’il avait retardée[7] ;
Lazare, qu’il aimait et ne visitait plus[8],
Vint à mourir, ses jours étant tous révolus.
Mais l’amitié de Dieu n’est-elle pas la vie[9] ?
Il partit dans la nuit ; sa marche était suivie
Par les deux jeunes sœurs du malade expiré,

  1. L’aveugle : Jean, IX, 1-12, ou Marc, VIII, 22-26 ; le lépreux Matth., VIII 2-4 ; le sourd : Marc, VII, 31.
  2. Var v. 15-16 : M, 1er  main, L’aveugle-né voyait sur la route isolée | Le lépreux embrasser sa femme consolée, 2e main, L’aveugle-né voyait s’embrassant sur sa route | Le lépreux et le sourd qui le touche et l’écoute,
  3. Var : M, 1er  main, Et tous pour la cité qui reçut leur adieu, 2e main, texte actuel.
  4. Luc, V, 15-16 : Cependant comme sa réputation se répandait de plus en plus, les peuples venaient en foule pour l’entendre, et pour être guéris de leurs maladies ; mais il se retirait dans le désert et il priait.
  5. Var : M, Au début du vers, Sa, biffé.
  6. La Fontaine, Les Deux Pigeons :
    L’absence est le plus grand des maux.
  7. Var v. 21-24 : ces vers sont rajoutés sur le manuscrit.
  8. Jean, XI, 5 : Jésus aimait Marthe, Marie sa sœur, et Lazare.
  9. Jean, XI, 25 : Jésus lui repartit : Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, quand il serait mort, vivra.