Page:Vigny - Poèmes antiques et modernes, éd. Estève, 1914.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
éloa

Chez qui dans ses périls il s’était retiré[1].
C’était Marthe et Marie ; or, Marie était celle[2]
Qui versa les parfums et fit blâmer son zèle[3].
Tous s’affligeaient ; Jésus disait en vain : Il dort[4].
Et lui-même en voyant le linceul et le mort[5],
Il pleura[6]. — Larme sainte à l’amitié donnée,
Oh ! vous ne fûtes point aux vents abandonnée !
Des Séraphins penchés l’urne de diamant.
Invisible aux mortels, vous reçut mollement.
Et comme une merveille, au Ciel même étonnante,
Aux pieds de l’Eternel vous porta rayonnante[7].

  1. Luc, X, 58-39 : Jésus, étant en chemin avec ses disciples, entra dans un bourg, et une femme nommée Marthe le reçut en sa maison. Elle avait une sœur nommée Marie…
  2. Var : M, et (corr. : or) Marie D, C’étaient Marthe et Marie ;
  3. Jean, XI, 2 : Cette Marie était celle qui répandit sur le Seigneur une huile de parfum ; et XII, 4-5 : Alors un de ses disciples, nommé Judas Iscariote, celui qui devait le trahir, commença de dire : Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, qu’on aurait donnés aux pauvres ? — Voir aussi Matth. XXVI, 6-9.
  4. Var : M, 1er  main, Elles pleuraient : en vain Jésus disait : il dort. 2e main, texte actuel.
  5. Var : M, 1er  main, Mais lui, quand le sépulcre ouvert montra le mort, 2e main, Et lui-même ayant vu la dépouille du mort, 3e main, texte actuel.
  6. Jean, XI, 11 : Après leur avoir dit ces paroles, il ajouta : Notre ami Lazare dort… — XI, 33-35 : Jésus, voyant qu’elle (Marie) pleurait, et que les Juifs qui étaient venus avec elle pleuraient aussi, frémit en esprit et se troubla lui-même. Puis il leur dit : Où l’avez-vous mis ? Ils lui répondirent : Seigneur, venez et voyez. Alors Jésus pleura.
  7. Vigny parait s’inspirer ici de la légende de la Sainte Larme de Vendôme. On la trouvera tout au long dans la Cosmographie Universelle de Fr. de Belle-Forest, Paris, 1575 ; t. I, p. 322. « Lorsque nostre Seigneur resuscita le Lazare, et qu’il ploura, un Ange recueillit cette larme d’un grand nombre qui ruisseloyent des yeux du Sauveur, formant soudain un vase qui à dire vray est de merveilleux artifice, et le dehors duquel est blanc et aussi transparent que chrystal ; et la sainte Larme (qui tousjours tremblote dans ce petit vaisseau) est de couleur d’eau et azurée : je vous en parle comme sçavant, qui ay pris soigneuse garde à la contempler à mon aise. » Toujours d’après Belle-Forest,