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poèmes antiques et modernes

Sous ce pouvoir nouveau, la Vierge fléchissait[1],
Elle tombait déjà, car elle rougissait[2] ;
Déjà presque soumise au joug de l’Esprit sombre[3][4],
Elle descend, remonte, et redescend dans l’ombre[5].
Telle on voit la perdrix voltiger et planer
Sur des épis brisés qu’elle voudrait glaner.
Car tout son nid l’attend ; si son vol se hasarde[6],
Son regard ne peut fuir celui qui la regarde[7]
Et c’est le chien d’arrêt qui, sombre surveillant,
La suit, la suit toujours d’un œil fixe et brillant[8].

  1. Var : M’, 1er  main, Sous le pouvoir magique (corr. : Ô pudeur ! c’est par vous qu’) Éloa fléchissait, 2e main, C’est ce pouvoir caché qu’Éloa subissait, 3e main, Ô terrestre pouvoir qu’un ange subissait !
  2. Moore, A. d. A., p. 29 : L’ange déchu inclina sa tête de honte, honte qui eût seule révélé de quelle immense hauteur il était tombé !… cette sainte honte qui ne laisse pas oublier le pur honneur qu’en a perdu, dont la rougeur reste, après que la vertu s’enfuit, pour marquer du moins son passage.
  3. Var : O, A-C3, esprit
  4. Var v. 17-24 : M2 fournit de ce passage une rédaction plus ancienne : Dans les prés inconnus l’alouette imprudente | Vient du miroir trompeur (corr. : tournant) voir la facette ardente. | Des mines de la terre élancé promptement | Le fer emprunte une âme aux ordres de l’aimant. | 1er  main, Le tourtereau privé de sa compagne blanche, 2e main, : La tourterelle en vain dressant sa plume blanche, | Aux regards du serpent tombe de branche en branche. | 1er  main, Tels s’étaient réunis (corr. : rapprochés) les habitants des cieux. 2e main, Telle elle descendait l’habitante des cieux. | Les yeux pleins (corr. : lourds) de langueur recherchèrent (corr. : regardèrent) les yeux,

    M3, donne l’esquisse en prose de la version définitive : Elle rougit et devina la pudeur, premier effet du mal. Alors elle descendit, remonta, descendit encore ; ainsi une perdrix qui veut recueillir du bled pour ses petits descend, remonte et descend encore, car elle aperçoit le chien d’arrêt qui la regarde avec des yeux fixes et brillants.

  5. Var : M1, vers l’ombre.
  6. Var : M1, Car ses petits ont faim ; corr. : texte actuel).
  7. Var : M1, Elle reste devant (corr. : texte actuel.)
  8. Byron, Giaour : Et comme l’oiseau dont les ailes battent, mais ne peuvent fuir le serpent qui le fixe, les autres se troublent sous son regard [celui du Giaour], et ils n’évitent pas le coup d’œil qu’ils peuvent à peine soutenir. — Caïn, I, 1 (Adah parle de Lucifer) : Je