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DE SERVITUDE MILITAIRE.

— Vous êtes aussi heureux que vous pouvez l’être ; vous ne pouvez pas avancer dans votre bonheur. Ce bonheur-là est une impasse véritable.

— Trop vrai ! trop vrai ! l’entendis-je murmurer.

— Vous ne pouvez pas empêcher qu’elle n’ait un jeune mari et un enfant, et vous ne pouvez pas conquérir plus de liberté que vous n’en avez ; voilà votre supplice, à vous !

Il me serra la main :

— Et toujours mentir ! dit-il. Croyez-vous que nous ayons la guerre ?

— Je n’en crois pas un mot, répondis-je.

— Si je pouvais seulement savoir si elle est au bal ce soir ! Je lui avais bien défendu d’y aller.

— Je me serais bien aperçu, sans ce que vous me dites-là, qu’il est minuit, lui dis-je ; vous n’avez pas besoin d’Austerlitz, mon ami, vous êtes assez occupé ; vous pouvez dissimuler et mentir encore pendant plusieurs années. Bonsoir.