Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/142

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plus parler de notre petite famille de Montreuil, et que je vins à penser que Pierrette m’avait oublié tout à fait. Le régiment d’Auvergne était à Orléans depuis trois mois, et le mal du pays commençait à m’y prendre. Je jaunissais à vue d’œil et je ne pouvais plus soutenir mon fusil. Mes camarades commençaient à me prendre en grand mépris, comme on prend ici toute maladie, vous le savez.

Il y en avait qui me dédaignaient parce qu’ils me croyaient très malade, d’autres parce qu’ils soutenaient que je faisais semblant de l’être, et, dans ce dernier cas, il ne me restait d’autre parti que de mourir pour prouver que je disais vrai, ne pouvant pas me rétablir tout à coup ni être assez mal pour me coucher ; fâcheuse position.

Un jour un officier de ma compagnie vint me trouver, et me dit :

« Mathurin, toi qui sais lire, lis un peu cela. »

Et il me conduisit sur la place de Jeanne d’Arc, place qui m’est chère, où je lus une grande affiche de spectacle sur laquelle on avait imprimé ceci :

PAR ORDRE :
« Lundi prochain, représentation extraordinaire d’IRÈNE, pièce
nouvelle de M. DE VOLTAIRE, et de ROSE ET COLAS, par M. SEDAINE,
musique de M. DE MONSIGNY, au bénéfice de madem