Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/144

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et le rencontra nez à nez dans le corridor précisément en face de moi.

— « Dites-moi, monsieur Grétry, mon cher monsieur Grétry, dites-moi, je vous en supplie, s’il ne m’est pas possible de parler à cette célèbre cantatrice que vous m’amenez. Certainement il n’est pas permis à un ignare et non lettré comme moi d’élever le plus léger doute sur son talent, mais encore voudrais-je bien apprendre de vous qu’il n’y a pas à craindre que la Reine ne soit mécontente. On n’a pas répété.

— Hé ! hé ! répondit Grétry d’un air de persiflage, il m’est impossible de vous répondre là-dessus, mon cher monsieur ; ce que je puis vous assurer, c’est que vous ne la verrez pas. Une actrice comme celle-là, monsieur, c’est une enfant gâtée. Mais vous la verrez quand elle entrera en scène. D’ailleurs, quand ce serait une autre que mademoiselle Colombe, qu’est-ce que cela vous fait ?

— Comment, monsieur, moi, directeur du théâtre d’Orléans, je n’aurais pas le droit ?… reprit-il en se gonflant les joues.

— Aucun droit, mon brave directeur, dit Grétry. Eh ! comment se fait-il que vous doutiez un moment d’un talent dont Sedaine et moi avons répondu, » poursuivit-il avec plus de sérieux.