Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/159

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au-dessus de la cheville, comme les pieds de statues en étude dans les ateliers ; poli, veiné comme du marbre noir, et n’ayant de rose que les ongles. Je n’avais pas le temps de le dessiner : je continuai ma course jusqu’à la dernière cour, devant les casernes.

Là nous attendaient nos soldats. Dans leur première surprise, ils avaient cru le château attaqué, ils s’étaient jetés du lit au râtelier d’armes et s’étaient réunis dans la cour, la plupart en chemise avec leur fusil au bras. Presque tous avaient les pieds ensanglantés et coupés par le verre brisé. Ils restaient muets et sans action devant un ennemi qui n’était pas un homme, et virent avec joie arriver leurs officiers.

Pour nous, ce fut au cratère même du volcan que nous courûmes. Il fumait encore, et une troisième éruption était imminente.

La petite tour de la poudrière était éventrée, et, par ses flancs ouverts, on voyait une lente fumée s’élever en tournant.

Toute la poudre de la tourelle était-elle brûlée ? en restait-il assez pour nous enlever tous ? C’était la question. Mais il y en avait une autre qui n’était pas incertaine, c’est que tous les caissons de l’artillerie, chargés et entr’ouverts dans la cour voisine, sauteraient si une étincelle y arrivait, et que le donjon renfermant quatre cents milliers de poudre à canon,