Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Vincennes, son bois, sa ville, sa campagne, et une partie du faubourg Saint-Antoine, devaient faire jaillir ensemble les pierres, les branches, la terre, les toits et les têtes humaines les mieux attachées.

Le meilleur auxiliaire que puisse trouver la discipline, c’est le danger. Quand tous sont exposés, chacun se tait et se cramponne au premier homme qui donne un ordre ou un exemple salutaire.

Le premier qui se jeta sur les caissons fut Timoléon. Son air sérieux et contenu n’abandonnait pas son visage ; mais avec une agilité qui me surprit, il se précipita sur une roue près de s’enflammer. À défaut d’eau, il l’éteignit en l’étouffant avec son habit, ses mains, sa poitrine qu’il y appuyait. On le crut d’abord perdu ; mais, en l’aidant, nous trouvâmes la roue noircie et éteinte, son habit brûlé, sa main gauche un peu poudrée de noir ; du reste, toute sa personne intacte et tranquille. En un moment tous les caissons furent arrachés de la cour dangereuse et conduits hors du fort, dans la plaine du polygone. Chaque canonnier, chaque soldat, chaque officier s’attelait, tirait, roulait, poussait les redoutables chariots, des mains, des pieds, des épaules et du front.

Les pompes inondèrent la petite poudrière par la noire ouverture de sa poitrine ; elle était fendue de tous les côtés, elle se balança deux