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CHAPITRE II


SUR LE CARACTÈRE GÉNÉRAL DES ARMÉES


L’armée est une nation dans la Nation ; c’est un vice de nos temps. Dans l’antiquité, il en était autrement : tout citoyen était guerrier, et tout guerrier était citoyen ; les hommes de l’Armée ne se faisaient point un autre visage que les hommes de la cité. La crainte des dieux et des lois, la fidélité à la patrie, l’austérité des mœurs, et, chose étrange ! l’amour de la paix et de l’ordre, se trouvaient dans les camps plus que dans les villes, parce que c’était l’élite de la Nation qui les habitait. La paix avait des travaux plus rudes que la guerre pour ces armées intelligentes. Par elles la terre de la patrie était couverte de monuments ou sillonnée de larges routes, et le ciment romain des aqueducs était pétri, ainsi que Rome elle-même, des mains qui la défendaient. Le repos des soldats était fécond autant que celui des nôtres est stérile et nuisible. Les citoyens n’a-