Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/212

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glaces de l’appartement où se réfléchissait la figure grave du Saint-Père, et le regardant en profil quand il passait près de lui, mais jamais en face, de peur de sembler trop inquiet de l’impression de ses paroles.

— « Il y a quelque chose, dit-il, qui me reste sur le cœur, Saint-Père, c’est que vous consentez au sacre de la même manière que l’autre fois au concordat, comme si vous y étiez forcé. Vous avez un air de martyr devant moi, vous êtes là comme résigné, comme offrant au Ciel vos douleurs. Mais, en vérité, ce n’est pas là votre situation, vous n’êtes pas prisonnier, par Dieu ! vous êtes libre comme l’air. »

Pie VII sourit avec tristesse et le regarda en face. Il sentait ce qu’il y avait de prodigieux dans les exigences de ce caractère despotique, à qui, comme à tous les esprits de même nature, il ne suffisait pas de se faire obéir si, en obéissant, on ne semblait encore avoir désiré ardemment ce qu’il ordonnait.

— « Oui, reprit Bonaparte avec plus de force, vous êtes parfaitement libre ; vous pouvez vous en retourner à Rome, la route vous est ouverte, personne ne vous retient. »

Le Pape soupira et leva sa main droite et ses yeux au ciel sans répondre ; ensuite il laissa retomber très lentement son front ridé et se mit à considérer la croix d’or suspendue à