Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/242

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réflexions peuvent nous instruire. Voyez, vous qui vous en mêlez, l’inutilité des belles-lettres. À quoi servez-vous ? qui convertissez-vous ? et de qui êtes-vous jamais compris, s’il vous plaît ? Vous faites presque toujours réussir la cause contraire à celle que vous plaidez. Regardez, il y en a un qui fait de Clarisse le plus beau poème épique possible sur la vertu de la femme ; — qu’arrive-t-il ? On prend le contre-pied et l’on se passionne pour Lovelace, qu’elle écrase pourtant de sa splendeur virginale, que le viol même n’a pas ternie ; pour Lovelace, qui se traîne en vain à genoux pour implorer la grâce de sa victime sainte, et ne peut fléchir cette âme que la chute de son corps n’a pu souiller. Tout tourne mal dans les enseignements. Vous ne servez à rien qu’à remuer des vices, qui, fiers de ce que vous les peignez, viennent se mirer dans votre tableau et se trouver beaux. — Il est vrai que cela vous est égal ; mais mon simple et bon Collingwood m’avait pris vraiment en amitié, et ma conduite ne lui était pas indifférente. Aussi trouva-t-il d’abord beaucoup de plaisir à me voir livré à des études sérieuses et constantes. Dans ma retenue habituelle et mon silence il trouvait aussi quelque chose qui sympathisait avec la gravité anglaise, et il prit l’habitude de s’ouvrir à moi dans mainte occasion et de me confier des affaires qui n’étaient pas sans importance. Au bout de