Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/390

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Si j’avais dit un mot à Blaireau, si j’avais mis un grain de sable, le souffle d’un geste sous la roue, je l’aurais fait reculer. Mais non, je n’osai le faire, je voulus voir ce que le Destin seul enfanterait.

Il y avait un petit trottoir usé devant la pièce ; les quatre servants ne pouvaient y poser également les roues, qui glissaient toujours en arrière.

Blaireau recula et se croisa les bras en artiste découragé et mécontent. Il fit la moue.

Il se tourna vers un officier d’artillerie :

« Lieutenant ! c’est trop jeune tout ça ! — C’est trop jeune, ces servants-là, ça ne sait pas manier sa pièce. Tant que vous me donnerez ça, il n’y a pas moyen d’aller ! — N’y a pas de plaisir ! »

Le lieutenant répondit avec humeur :

« Je ne te dis pas de faire feu, moi, je ne dis rien.

— Ah bien ! c’est différent, dit Blaireau en bâillant. Ah ! bien, ni moi non plus, je ne suis plus du jeu. Bonsoir. »